đź”’ COGNITION: la science, driver du marchĂ©Â
Les consommateurs un peu partout dans le monde veulent amĂ©liorer leurs fonctions cognitives, leurs capacitĂ©s mĂ©morielles – et « éviter » notamment les pertes de mĂ©moire. Paradoxe : c’est bien avant que la demande soit forte et les attentes des consommateurs soient importantes que les fournisseurs d’ingrĂ©dients se sont engagĂ©s dans une « vraie » recherche. Vous avez dit dĂ©fricheurs ? Clairement oui.
La psychonutrition est particulièrement sur le devant de la scène. Parce que stress de la vie quotidienne, parce que vieillissement de la population. Parce que l’alimentation influence notre santé mentale. Dont le déclin cognitif. Résultat d’une inflammation chronique à bas bruit, ce déclin inéluctable est inscrit dans une trajectoire cognitive. Le déclin cognitif est accéléré lorsque trois facteurs de risques conjuguent leurs effets : l’activité physique, les troubles métaboliques et l’alimentation, comme l’ont rappelé Anne-Laure Dinel (laboratoire Nutri Neuro / Inrae – Université de Bordeaux, manager de la cellule de transfert NutriBrain) et David Gaudout (co-fondateur d’Activ’Inside, en charge de l’innovation) en introduction de la conférence « Les différents états du cerveau » du dernier congrès Nutriform’Business Days (juin 2022). Si l’on se concentre sur l’obésité – résultat d’une absence d’activité physique et de troubles métaboliques-, elle représente une situation de vieillissement accélérée, qui se traduit par une accélération de l’apoptose et de l’autophagie​, avec des effets similaires à ceux du vieillissement sur le stress et l’hypertension. Et au niveau de la cognition, un déclin 22,5% plus rapide chez sujets âgés de plus de 55 ans obèses par rapport à des sujets de poids normal.
L’alimentation, source d’inspiration pour la science
Quant Ă l’alimentation, plus Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques ont montrĂ© son influence. Exemple avec le rĂ©gime mĂ©diterranĂ©en qui a pour impact une diminution de 21 % du risque de dĂ©velopper des troubles cognitifs, de 40 % du risque de maladie d’Alzheimer, de 33 % du risque de dĂ©pression. Tout en augmentant la longĂ©vitĂ© et en diminuant le risque de maladies cardiovasculaires. Quid du rĂ©gime DASH (Dietary Approach to Stop Hypertension) dĂ©veloppĂ© en 1990 par le National Institute oh Health US pour prĂ©venir l’hypertension et fondĂ© sur une alimentation pauvre en sodium ? Le suivi Ă©pidĂ©miologique aux USA de 6 425 personnes a montrĂ© une diminution de 28 % du risque de dĂ©ficience cognitive lĂ©gère (Mild Cognitive Impairment – MCI) ; et sur une cohorte de 923 personnes, le risque de maladie d’Alzheimer Ă©tait diminuĂ© de près de 40 %. Quant au rĂ©gime Mind (mix des diètes mĂ©diterranĂ©enne et DASH), le Rush Memory Aging Project, qui a suivi pendant cinq ans 960 participants, a montrĂ© un plus lent dĂ©clin cognitif associĂ© Ă un plus faible risque de maladie d’Alzheimer.
Pour optimiser la trajectoire cognitive, il est donc prioritaire d’augmenter la qualité neuro-nutritionnelle de son alimentation.
Une des recommandations est de privilĂ©gier la consommation d’omĂ©ga 3, pour atteindre les niveaux recommandĂ©s : 250 mg / j de DHA et 500 mg / j de DHA et EPA. Des apports qui ne sont quasiment jamais atteints dans le monde – Ă l’exception de la Norvège, du Groenland et de l’Etat d’Alaska – en France, la consommation moyenne couvre respectivement 54,8 et 47,6 % des ANC…
Chez l’Homme, une association entre la consommation d’AGPI n-3 LC et un ralentissement du déclin cognitif​ a été mise en évidence. Des études expérimentales montrent un effet bénéfique du DHA sur la mémoire et la dépression.
Le projet collaboratif Brain Booster auquel a participé Anne-Laure Dinel a mesuré l’effet d’oméga 3 associés à des peptides de faible poids moléculaire. C’est la société Abyss Ingredients qui a porté le projet pour tester ses peptides Mnemosyss®. Principaux résultats enregistrés : amélioration de la mémoire à court et à long terme​ et de la réactivité au stress​ ; diminution de la réactivité microgliale​ et de la neuro-inflammation. ​Ce qui montre l’existence d’une synergie entre les AGPI n-3 LC et les peptides de petits poids moléculaires.
Caroténoïdes, polyphénols, terpènes
Une association inverse entre la consommation de caroténoïdes et de polyphénols spécifiques et les symptômes de la dépression ​a été montrée via des études épidémiologiques. Elle est corrélée avec des biomarqueurs plasmatiques et repose sur les propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires ​des caroténoïdes et des polyphenols. L’intérêt des terpènes (via l’aromathérapie qui est une autre manière d’aborder les problématiques liées à la cognition) sur l’anxiété et la dépression a également été décrit. Notamment une molécule, le safranal.
Le safran justement : il contient des terpènes, des caroténoïdes et des polyphénols. sujets (ils ont montré l’efficacité d’extraits de safran sur des personnes dépressives versus des médicaments type Prozac), avant de préciser que Activ’Inside étant dans le domaine des compléments alimentaires, « nous ne travaillons pas sur la dépression ».
Sur le stress en revanche, des actions ont été montrées sur le stress aiguë.
Concernant les polyphĂ©nols – les flavonoĂŻdes notamment, une Ă©tude de 2007 a montrĂ© que les plus forts consommateurs de flavonoĂŻdes avaient un dĂ©clin cognitive moins marquĂ©. D’oĂą l’idĂ©e d’un programme de recherche, Neurophenols, qui a montrĂ© via une Ă©tude clinique que « chez des personnes ayant en moyenne 65 ans, mais avec un âge cognitif d’une personne de 75 ans, il est possible au bout de six mois de faire revenir ces personnes Ă un âge cognitif de 65 ans ». Une autre Ă©tude (2018-2019) a montrĂ© qu’en fonction de l’apport de certains polyphĂ©nols il y a une corrĂ©lation entre leur consommation et l’apparition de la maladie d’Alzheimer. « Nous ne sommes plus dans l’anecdote, mais vraiment dans la prĂ©vention », souligne David Gaudout. Â
Anne-Laure Dinel a souligné qu’il est important, dans la prévention du déclin cognitif, de « ne plus penser la nutrition par nutriments, mais en réfléchissant sur la synergie des nutriments au sein d’un produit ». Pour potentialiser l’effet des nutriments. « Nous avons montré au sein de notre laboratoire que certains probiotiques améliorent l’accrétion des omega 3 dans les membranes des cellules neuronales, même si intuitivement cela ne nous semblait pas évident ».
A noter, que de plus en plus d’éléments font penser que les dysbioses au niveau de l’intestin pourraient être impliquées dans les maladies neuro-dégénératives. Des collaborations sont en cours avec des équipes de l’Inrae pour le génotypage du microbiote. Des sujets de recherche viennent de démarrer pour toutes les questions nutrition, dépression, et modification du microbiote, avec l’équipe du Pr Cani. En dehors d’Akermansia, d’autres souches de probiotiques sont également à l’étude.
Une conclusion : il est nécessaire que se mette en place une synergie entre les acteurs de la nutrition : les industriels de l’agro-alimentaires, les ingrédientistes, les professionnels du complément alimentaire, la recherche académique, les professionnels de santé. ​
Cette synergie doit permettre de « réfléchir à des projets à valeur ajoutée pour l’ensemble des partenaires afin d’impacter la société en contribuant à la définition de recommandations nutritionnelles, à nous protéger face à des problèmes de santé publique ».
Demain ?
Le programme de recherche Silver Brain Food porte sur une alimentation à haute densité neuro-nutritionnelle individualisée pour prévenir le déclin cognitif. Démarré en avril 2021 (prévu pour cinq ans) et bénéficiant d’une enveloppe de 16,3 M €, il associe Activ’Inside, NutriNeuro, Bordeaux Population Health, Senes Solutions. Seront étudiées et apportées des solutions innovantes. A côté des ingrédients et des aliments à haute densité neuro-nutritionnelle, seront apportées des solutions digitales de coaching B2B et B2C. In fine, la prévention de certaines pathologies avec cette approche devrait, outre être efficace, avoir un bien moindre coût pour la société. Une estimation ? moins de 1000 € / an pour diminuer de 50 % le risque de développer la maladie d’Alzheimer.