🔒FOCUS MARCHE - Allemagne: un challenger européen si proche, si loin
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Avec un chiffre d’affaires estimé entre 2,5 et 2,8 Mrds €, l’Allemagne est le deuxième marché européen des compléments alimentaires, derrière l’Italie (plus de 3 Mrds €) mais devant la France (2 Mrds €). Un marché complexe façonné par le poids de certains circuits de distribution (drugstores, Reformhaus), la forte sensibilité des consommateurs pour des solutions naturelles…
Les Allemands sont les quatrièmes plus gros consommateurs de compléments alimentaires en Europe, avec une dépense annuelle par habitant de 30 €. Soit le double de ce que dépense un Français (16 €). Il n’est donc pas surprenant que le marché allemand avec ses près de 3 Mrds € pèse autant.
Une distribution structurée différemment
La forte appétence des consommateurs allemands pour les produits naturels et à base de plantes structure la distribution outre-Rhin. A côté des pharmacies (19 423 officines en 2019, source Statista), deux réseaux « physiques » distribuent des compléments alimentaires. Le circuit diététique et bio d’une part – dont les Reformhaus, apparus dès le début du XXème siècle et issus du mouvement social Lebensreform (né au milieu du XIXème siècle et inscrit dans une méfiance si ce n’est un rejet de l’industrialisation de la société) ; ces points de vente (près de 2 900) sont organisés en coopérative et distribuent des produits d’épicerie, des cosmétiques bio, vegan, etc.
Les parapharmacies d’autre part, qui selon Euromonitor, seraient le premier circuit de distribution outre-Rhin, dépassant même les officines dans la mesure où les consommateurs de compléments alimentaires sont très informés et ne ressentent pas le besoin de recevoir des conseils de professionnels. Exemples de ces drugstores à l’américaine (type CVS) et non des mopindres : Dm – drogerie markt, première chaine de drugstores en Europe (3 700 magasins en Europe, 11,2 Mrds € dont 8 Mrds en Allemagne) ; Rossmann (56 000 employés, 10 Mrds € de CA, 3 600 magasins en Allemagne, Pologne, République tchèque, Hongrie mais aussi Albanie, Turquie). Leurs points communs : une politique de prix agressive et des produits à leur propre marque (21 marques pour Dm, dont DAS gesunde PLUS pour les compléments alimentaires ; marque Altapharma pour Rossmann). Selon Euromonitor, la marque propre de Rossmann pèserait à elle seule près de 6 % du marché allemand des compléments alimentaires.
Le poids des marques de distributeurs est important outre-Rhin. Exemple avec la chaine de GMS Aldi dont les ventes de ses compléments alimentaires (marques Multinorm et Vitalis) représenteraient plus de 6 % du marché.
Et si le multi-level marketing et la VPC ne sont pas au mieux (cf la liquidation judiciaire du groupe Quelle qui fut l’un des leaders de ce marché en Allemagne), les ventes on-line se portent bien. Les acteurs de la distribution ont su faire leur révolution numérique. Les officines par exemple : près de 15 % des pharmacies allemandes possèdent leur propre site de vente en ligne de médicaments OTC, cosmétiques, compléments alimentaires (en France, elles ne seraient que 3% à proposer un tel service).
Nulle part ailleurs
A côté de la distribution « classique » de compléments alimentaires, il existe un autre circuit : celui qui passe par les Heilpraktiker. Ces « praticiens de santé » obéissent à un statut qui n’existe qu’en Allemagne et dans les pays de culture allemande (Autriche, Suisse) – statut réglementé depuis 1939. Ces Heilpraktiker sont formés dans une cinquantaine d’écoles (exemple les Paracelsus Heilpraktiker Schulen) et se voient délivrer un diplôme après un examen sélectif (taux de réussite entre 5 et 10 %). S’ils n’ont pas le droit de délivrer des ordonnances, ils sont cependant prescripteurs – de compléments alimentaires notamment. Leur poids dans le marché des compléments alimentaires ? Il est indéniable : environ 20 000 professionnels sont officiellement reconnus par l’Etat et sont (potentiellement) des prescripteurs.
Les conséquences en terme industriel
Forte implantation des drugstores d’une part, poids des Reformhaus et des Heilpraktiker d’autre part : les leaders du marché allemand sont des sociétés puissantes proposant pour la plupart des compléments à base de plantes, aux formules simples et éprouvées. MCM Klosterfrau est leader, suivi par Abtei OP Pharma, Rossmann – ces trois acteurs représentent près du quart du marché, très concentré puisque les dix premiers acteurs du marché pèsent plus de 52% des ventes de compléments alimentaires.
Parmi lesquels, s’insèrent des laboratoires pharmaceutiques (GlaxoSmithKline au 4ème rang, Merck 7ème, Sandoz 8ème). Autres acteurs importants du marché allemand : Kneipp, Medice, Institut Allergosan…
Enfin, le poids du on-line a permis que se développent de jeunes entreprises comme les berlinoises Vanatari (site vegavero.com), Sunday Natural Products GmbH, Her 1. Si les deux premières proposent des gammes larges à base de plantes et surfent sur la vague de la naturalité et du vegan, la troisième est centrée sur la santé et la beauté féminine. Un positionnement astucieux et porteur : les femmes entre 40 et 65 ans devraient représenter plus du tiers de la population féminine en Allemagne en 2030.