Le leader mondial du E-commerce, Amazon, entre dans la vente physique de produits pharmaceutique (hors médicaments éthiques) en annonçant la reprise d’un point de vente de la chaine de parapharmacie italienne Pulker Farma. La parapharmacie qui devrait arborer au second semestre une nouvelle enseigne est située dans un emplacement central de Milan, sur une place à proximité d’une gare (Piazzale Cadorna) très fréquentée.
Pour être précis, la parapharmacie d’une superficie de 135 m2 (source : Pharmacie Scanner) a été cédée fin janvier à une société nouvellement créée, Pellicano Italy, laquelle a été rachetée par Amazon début mars.
Ce point de vente devrait continuer à vendre des produits de soin et de beauté, ainsi que des médicaments en vente libre. Sous quelle enseigne ? Parafarmacia Amazon ? Une marque appartenant à la galaxie Amazon et qui pourrait ainsi développer des synergies d’image ? En tout cas, vraisemblablement pas Amazon Pharmacy, la pharmacie en ligne de la marketplace réservée au marché US et dont l’offre est composée également de médicaments.
L’intérêt pour Amazon d’investir « dans le dur » est de pouvoir disposer d’un « navire amiral » qui va permettre de promouvoir sur le sol italien sa marque Amazon Prime. Mais aussi de pouvoir se lancer à l’assaut de l’Europe des OTC (sous réserve que les autorités italiennes donnent leur accord pour la vente des médicaments sans ordonnance) et autres produits cosmétiques achetés en ligne, à l’instar des marketplaces européennes, dans lesquelles des leaders de la distribution physique investissent (exemple l’allemand Douglas – à la tête des parfumeries sélectives Nocibé – a repris l’an dernier le site également allemand Disapo.de, distributeur de produits de santé sur son marché domestique et en Chine).
Une première mondiale
Prendre pied dans la vente physique de produits pharmaceutiques constitue une première pour Amazon, non seulement en Italie, non seulement en Europe, mais aussi au niveau mondial. En effet, Amazon est présent dans cette activité uniquement via le E-commerce, y compris aux Etats-Unis, sans aucune implantation physique.
Le choix de l’Italie comme tête de pont à la stratégie de déploiement d’Amazon dans le domaine de la santé a de quoi surprendre au premier abord dans la mesure où d’autres pays sont très en pointe en matière d’achats sur Internet (Royaume-Uni ou Allemagne). Ceci dit, le marché italien des compléments alimentaires est le premier en Europe (4,4 milliards € en 2023, en croissance de +6 %). Et les ventes on-line de produits pharmaceutiques atteignaient en 2022 691 millions € en progression de +25 %.
Les ventes des seuls compléments alimentaires (300 millions €) ont connu toujours en 2022 une hausse quasi identique (+23,5 %). Deuxième classe de produits vendus sur les plateformes de E-commerce, le personal care progresse lui de +21 % à 214 millions €. Sur la troisième marche, les produits d’automédication sont ceux dont les ventes ont le plus augmenté : +36 %, à 74 millions €.
Raisons du succès des ventes de compléments alimentaires on-line : le prix. Les écarts des prix de vente consommateurs en officines et sur les plateformes de E-commerce sont très importantes. Le prix de vente moyen en officines des compléments alimentaires est de 16,8 € ; on-line, il s’établit à 13,3 €, soit plus de 20 % moins élevé. Et sur certains segments de compléments alimentaires, la différence est encore plus élevée. Exemple dans les probiotiques (le premier segment des compléments alimentaires en Italie), le delta dépasse les 30 % en faveur du on-line. Et pour les toniques, la différence atteint 36 %.
Amazon Pharmacy : le disrupteur des services
Opérant comme dit précédemment uniquement sur le marché nord-américain de la pharmacie, Amazon Pharmacy est le trublion qui fait trembler la distribution pharmaceutique outre-Atlantique.
Amazon Pharmacy a été lancé officiellement le 17 novembre 2020. Son leitmotiv : livraison gratuite à domicile de médicaments prescrits, sous réserve que ses clients aient renseigné un profil pharmaceutique sécurisé pour gérer les informations relatives aux assurances maladies et mutuelles ainsi qu’aux soins médicaux. A l’annonce de cette création, les cours des actions des chaines de pharmacie et parapharmacies ont fortement chuté (-20 % pour GoodRx, -16 % pour Rite Aid, -9 % pour Walgreens et CVS Pharmacy), faisant perdre à ce marché quelque 22 Mrds US$.
Autre pilier sur lequel Amazon s’appuie pour entrer dans l’univers de la pharmacie : la société PillPack fondée en 2013 a été reprise par Amazon en juin 2018 pour 753 M US$. Particularité de la société : PillPack se concentre sur des boîtes et emballages aidant les personnes atteintes de maladies chroniques à organiser leurs prises quotidiennes. Une notion de services chère à Amazon et ce dès sa création.
Comment marche Amazon Pharmacy ?
Disponible directement via le site internet ou l’application Amazon, l’utilisateur doit simplement créer son « profil pharmaceutique sécurisé ». Cela lui permet alors de soumettre l’ensemble de ses documents médicaux et dossiers d’ordonnances.
Dès l’arrivée sur la homepage de la pharmacie en ligne, la marketplace couvre et propose immédiatement des redirections vers diverses conditions médicales, via une arborescence conçue pour aider ses utilisateurs à trouver directement le produit dont ils ont besoin (source : agence Bizon).
Pour ses abonnés Prime, Amazon Pharmacy garantit des réductions pouvant aller jusqu’à 80 % pour les génériques, 40 % pour les médicaments sous marque.
Enfin, la livraison est gratuite et en deux jours.
Amazon, à travers cette combinaison de services, propose donc un service révolutionnaire comprenant : comparaison des prix, achat de médicaments, dans un seul et même endroit, sans avoir à se déplacer.
Grâce à cette offre, la prise de médicaments même via une ordonnance est devenue toute aussi simple que l’achat de n’importe quel produit…
Des consommateurs prêts à basculer vers ces services
Selon une étude du cabinet allemand Simon-Kucher Partners, spécialisé en stratégies de croissance : une part de la population française serait disposée à consommer via ce service d’Amazon, dans l’hypothèse où la distribution pharmaceutique parvenait à le développer sur Amazon France.
Selon une étude de 2022, plus de 20% des clients réguliers d’Amazon France seraient ainsi prêts à utiliser cette offre pharmaceutique en ligne.
Et 20% en France, cela représente plus de six millions de consommateurs potentiels…
Pour rappel, les ventes online des compléments alimentaires se sont montées en 2023 à 212 M€, en progression de +5% en valeur. A noter que ce circuit s’est hissé à la troisième place du marché français (avec une part de marché de 8 %) derrière la pharmacie (55 %) et la vente directe (10 %).
Si l’on élargit le périmètre, pour englober la force d’attraction de la marketplace au niveau mondial : 66% des recherches produits dans le monde en 2021 commençaient sur Amazon.
Ce sont même près de 8/10 patients (chez les 18/34 ans, la génération la plus connectée) qui souhaiteraient réaliser leurs achats de médicaments directement sur internet et les retirer sans faire la queue en pharmacie.
Et l’intérêt va au-delà des clients fidèles d’Amazon puisque, 5% des consommateurs n’achetant pas régulièrement sur Amazon, seraient également enclins à utiliser le service Amazon Pharmacy (source : agence Bizon).
Des freins puissants
Une marketplace « pharmaceutique » qui fait les yeux doux pour séduire les consommateurs. Et qui pourrait impacter fortement l’activité de distribution physique des produits pharmaceutiques et donc mettre à mal les officines.
Imaginons qu’un jour, l’achat en ligne de médicaments soit autorisé (pour l’instant cela relève de la science-fiction), il est évident que la distribution physique sera impactée. A moins que cela passe par le développement du click & collect (commande en ligne et retrait en officines), à l’instar de ce que propose la plateforme Pharmazon ainsi que les sites des pharmacies.
Pour rappel, depuis 2012, la France autorise des pharmacies en ligne.
Ce sont des sites distributeurs adossés à des pharmacies habilitées à la vente en ligne (lesquelles officines entament leur évolution vers le « phygital »). Ils proposent des produits dits de « médication familiale », des produits homéopathiques ou encore d’aromathérapie, des compléments alimentaires, des dispositifs médicaux, etc.
Selon le décret du 31 décembre 2012, deux conditions doivent être réunies pour qu’un médicament soit vendu sur internet :
- Chaque distributeur doit être lié à une officine de pharmacie physique et avoir obtenu l’accord de l’Agence Régionale de Santé (ARS)
- Seuls les médicaments en accès direct peuvent être vendus sur internet, selon une liste définie par les soins de l’Ordre des pharmaciens.
Jusqu’à nouvel ordre, il s’agira donc toujours de médicaments pouvant ainsi être achetés par le patient dans le cadre d’une automédication.
Ces derniers points mettant alors de facto hors jeu, les autres commerces en ligne comme Amazon qui auraient souhaité se lancer dans ce business (source : agence Bizon).
Revenons à la réalité du « terrain ». L’arrivée d’Amazon dans la vente physique de produits de parapharmacies ne va pas « chambouler » les modèles de distribution existants. Pour l’instant.
Si les barrières qui limitent le déploiement des grosses marketplaces dans la distribution tombent un jour – pressions politiques, socio-économiques-, le loup sera définitivement installé dans la bergerie.
Pharmaceutical distribution: Amazon invests in a parapharmacy in Italy
The world leader in e-commerce is entering the physical sale of pharmaceutical products (excluding ethical medicines) by announcing the acquisition of an outlet from the Italian parapharmacy chain Pulker Farma. The parapharmacy, which is due to be rebranded in the second half of the year, is located in a central location in Milan, in a square close to a busy railway station (Piazzale Cadorna).
To be precise, the 135 m2 parapharmacy (source: Pharmacie Scanner) was sold at the end of January to a newly created company, Pellicano Italy, which was bought by Amazon at the beginning of March.
The outlet will continue to sell skincare and beauty products, as well as over-the-counter medicines. Under which banner? Parafarmacia Amazon? A brand belonging to the Amazon galaxy, which could develop image synergies? In any case, probably not Amazon Pharmacy, the marketplace’s online pharmacy reserved for the US market, which also offers medicines.
The advantage for Amazon of investing « in the hard stuff » is that it will have a « flagship » with which to promote its Amazon Prime brand in Italy. But it will also be able to take on the European market for OTC products (provided that the Italian authorities give the go-ahead for the sale of medicines without a prescription) and other cosmetic products purchased online, following the example of European marketplaces in which the leaders in physical distribution are investing (for example, last year the German company Douglas – head of the selective perfumery chain Nocibé – took over the German website Disapo.de, a distributor of health products on its domestic market and in China).
A world first
Getting a foothold in the physical sale of pharmaceutical products is a first for Amazon, not just in Italy, not just in Europe, but worldwide. Amazon is present in this business solely via e-commerce, including in the United States, without any physical presence.
The choice of Italy as the bridgehead for Amazon’s deployment strategy in the health sector may come as a surprise at first, given that other countries such as the UK and Germany are at the forefront of online shopping. That said, the Italian market for food supplements is the largest in Europe (€4.4 billion in 2023, up 6%). And online sales of pharmaceutical products will reach €691 million in 2022, up 25%.
Sales of dietary supplements alone (€300 million) rose by almost the same amount in 2022 (+23.5%). The second category of products sold on e-commerce platforms, personal care, rose by 21% to €214 million. In third place, self-medication products saw the biggest increase in sales, up 36% to €74 million.
Reasons for the success of online food supplement sales: price. The differences in consumer prices in pharmacies and on e-commerce platforms are considerable. The average selling price of food supplements in pharmacies is €16.8, compared with €13.3 online, over 20% lower. And in some food supplement segments, the difference is even greater. In probiotics, for example (the leading food supplement segment in Italy), the delta is over 30% in favour of online. And for tonics, the difference is 36%.
Amazon Pharmacy: the service disrupter
As mentioned above, Amazon Pharmacy operates exclusively on the North American pharmacy market, and is the troublemaker that is shaking up pharmaceutical distribution across the Atlantic.
Amazon Pharmacy was officially launched on 17 November 2020. Its leitmotiv: free home delivery of prescribed medicines, provided that its customers have filled in a secure pharmacy profile to manage information relating to health insurance and mutual insurance companies, as well as medical care. When the announcement was made, the share prices of pharmacy and drugstore chains plummeted (-20% for GoodRx, -16% for Rite Aid, -9% for Walgreens and CVS Pharmacy), causing the market to lose some US$22 billion.
Another pillar on which Amazon is relying to enter the pharmacy universe: the company PillPack, founded in 2013, was taken over by Amazon in June 2018 for US$753m. The company’s particularity: PillPack focuses on boxes and packaging that help people with chronic illnesses to organise their daily intake. This is a concept that has been dear to Amazon’s heart from the outset.
How does Amazon Pharmacy work?
Available directly via the Amazon website or application, users simply need to create their « secure pharmacy profile ». This allows them to submit all their medical documents and prescription records.
As soon as they arrive on the online pharmacy homepage, the marketplace immediately covers and offers redirections to various medical conditions, via a tree structure designed to help users find the product they need directly (source: Bizon agency).
For its Prime subscribers, Amazon Pharmacy guarantees discounts of up to 80% for generics and 40% for branded drugs.
Finally, delivery is free and in two days.
With this combination of services, Amazon is offering a revolutionary service that includes price comparison and the purchase of medicines, all in one place, without having to go anywhere.
Thanks to this offer, taking medicines, even with a prescription, has become just as easy as buying any other product…
Consumers ready to switch to these services
According to a study by the German firm Simon-Kucher Partners, which specialises in growth strategies, a proportion of the French population would be prepared to use Amazon’s service if the pharmaceutical retailer succeeded in developing it on Amazon France.
According to a 2022 study, more than 20% of Amazon France’s regular customers would be prepared to use this online pharmaceutical offering.
And 20% in France represents more than six million potential consumers…
As a reminder, online sales of food supplements totalled €212 million in 2023, an increase of 5% in value. It’s worth noting that this channel has risen to third place in the French market (with a market share of 8%) behind pharmacies (55%) and direct sales (10%).
If we widen the scope to encompass the marketplace’s global appeal, 66% of product searches worldwide in 2021 will begin on Amazon.
In fact, almost 8/10 patients (in the 18/34 age group, the most connected generation) would like to buy their medicines directly online and collect them without queuing in a pharmacy.
And the interest extends beyond loyal Amazon customers, since 5% of consumers who do not regularly buy from Amazon would also be inclined to use the Amazon Pharmacy service (source: Bizon agency).
Powerful disincentives
A « pharmaceutical » marketplace that is making its eyes water to win over consumers. But it could also have a major impact on the physical distribution of pharmaceutical products, and therefore threaten pharmacies.
Let’s imagine that one day, the online purchase of medicines is authorised (for the moment, this is science fiction), it is obvious that physical distribution will be impacted. Unless this means developing click & collect (online ordering and collection from pharmacies), along the lines of what is offered by the Pharmazon platform and pharmacy websites.
As a reminder, online pharmacies have been authorised in France since 2012.
These are distribution sites backed by pharmacies authorised to sell online (which are beginning to move towards « phygital »). They offer so-called « family medicine » products, homeopathic or aromatherapy products, food supplements, medical devices, etc.
According to the decree of 31 December 2012, two conditions must be met for a medicine to be sold over the internet:
- Each distributor must be linked to a physical pharmacy and have obtained approval from the Agence Régionale de Santé (ARS).
- Only direct-access medicines may be sold over the internet, according to a list drawn up by the French pharmacists’ association (Ordre des pharmaciens).
Until further notice, these will continue to be medicines that can be purchased by patients as part of their self-medication.
These last points de facto rule out other online retailers, such as Amazon, who would have liked to get into this business (source: Bizon agency).
Let’s get back to the reality on the ground. Amazon’s arrival in the physical sale of parapharmacy products is not going to turn existing distribution models upside down. For the time being.
If the barriers that limit the roll-out of major marketplaces in the retail sector fall one day – political and socio-economic pressures – the wolf will definitely be in the henhouse.