Novel Food : près de deux ans et demi d'évaluation et 85% de succès

Un article* rédigé par les équipes de Food Chain ID dirigées par Jérôme Le Bloch a analysé les délais de traitement de 292 demandes relatives à des nouveaux aliments (Novel Food, NF) soumises à l’EFSA entre 2018 et 2024 en vertu du règlement (UE) 2015/2283.
La durée moyenne entre la soumission et la publication était de 2,56 ± 1,19 ans, avec une variabilité importante et des retards dus à des contrôles de conformité et à des demandes de données supplémentaires. Un délai certes long mais un taux de succès élevé (plus de 85 % des NF autorisés) qui montre que le NF passe à condition que le demandeur soit bien préparé et soit réactif sur les réponses à apporter aux autorités. L’amélioration des lignes directrices et de l’aide préalable à la soumission pourrait rationaliser le processus, favorisant ainsi l’innovation et l’accès rapide au marché des NF.
Première évaluation des délais de la demande d’autorisation NF
Malgré l’importance du cadre réglementaire concernant les NF, il n’existait aucune évaluation complète des délais liés à la procédure de demande d’autorisation des NF.
Une analyse récente des demandes d’autorisation des NF a suggéré une augmentation de la durée de la procédure au cours des dernières années, mais aucune analyse détaillée de chaque étape du processus n’a encore été réalisée. L’objectif de l’étude a donc été d’analyser le processus d’évaluation des NF par l’EFSA et de quantifier le temps nécessaire à chaque étape du processus.
Cette première analyse complète des délais de traitement des demandes relatives aux NF au titre du règlement (UE) 2015/2283, met en évidence les inefficacités procédurales et les goulets d’étranglement administratifs au sein du cadre réglementaire de l’UE.
Les résultats montrent une variabilité importante à chaque étape du processus d’autorisation, avec une durée moyenne de 2,6 ± 1,2 ans entre le dépôt de la demande et la publication, avec des cas extrêmes pouvant aller jusqu’à six ans.
Les étapes administratives, notamment la vérification de l’adéquation par l’EFSA et la validation par la CE, représentent près d’un an, mais présentent une variabilité importante, probablement due à la qualité inégale des dossiers et à l’inefficacité des procédures.
Au cours de la phase d’évaluation scientifique, l’EFSA émet fréquemment des demandes additionnelles d’informations (additional requests, ADR), ce qui contribue à allonger les délais et représente près de la moitié du temps total d’évaluation.
Si ces ADR sont souvent dues à des informations manquantes ou incomplètes nécessaires pour évaluer la sécurité des NF, elles peuvent également refléter l’approche prudente de l’EFSA, conforme à sa mission qui consiste à garantir des normes élevées de sécurité alimentaire dans l’UE.
Un système réglementaire performant pour soutenir l’introduction des NF
Malgré ces difficultés procédurales, 86,81 % des avis de l’EFSA sont finalement positifs, ce qui souligne la bonne performance du système réglementaire dans le soutien à l’introduction sûre de nouveaux aliments sur le marché de l’UE.
Les conclusions de l’article ont des implications importantes pour les décideurs politiques, les acteurs industriels, les consommateurs et la société. L’analyse ne remet pas en cause la nécessité du processus d’autorisation des nouveaux aliments ni le rôle de l’EFSA dans la garantie de la sécurité alimentaire. Néanmoins, la longueur des procédures administratives, malgré un taux élevé d’avis positifs de l’EFSA, suggère que le cadre actuel pourrait être excessivement lourd. Ces inefficacités pourraient dissuader les demandeurs de s’engager dans le processus réglementaire et risquer de compromettre l’environnement favorable à l’innovation que l’Union européenne souhaite promouvoir.
Des risques industriels
Dans certains cas, des évaluations prolongées peuvent contribuer à la faillite d’entreprises alimentaires, y compris celles bénéficiant d’un financement public, en retardant l’accès au marché au-delà de délais raisonnables. De plus, ces retards peuvent limiter l’accès des consommateurs à des produits alimentaires sûrs et innovants, à un moment où les défis mondiaux, tels que la durabilité, la compétitivité économique et l’évolution des besoins alimentaires, exigent des solutions rapides et efficaces.
Les politiques de l’UE en matière de systèmes alimentaires durables, notamment la stratégie « From Fork to Food », qui est un élément central du Green Pact pour l’Europe, visent à rendre les systèmes alimentaires plus équitables, plus sains et plus respectueux de l’environnement. La mise en place d’une production alimentaire durable nécessite le développement et l’approbation de nouvelles sources alimentaires, les NF jouant un rôle crucial dans la réalisation de systèmes alimentaires résilients et durables.
Des études récentes ont démontré les avantages environnementaux significatifs de l’intégration des NF dans l’alimentation globale. Le remplacement des protéines animales conventionnelles par des alternatives végétales et des NF peut ainsi réduire le potentiel de réchauffement climatique, la consommation d’eau pondérée en fonction de la rareté et l’utilisation des terres de plus de 80 %. Cependant, si ces alternatives, notamment les protéines végétales, la biomasse fongique, et la viande cellulaire, sont déjà approuvées dans d’autres régions, elles restent largement inaccessibles dans l’UE en raison de l’attente des autorisations réglementaires.
Ce retard réglementaire risque de compromettre à la fois la compétitivité de l’industrie alimentaire européenne et sa capacité à s’adapter à l’évolution des demandes sociétales.
Parallèlement, la valorisation des déchets agroalimentaires représente une voie prometteuse pour créer des NF fonctionnels et durables, contribuant ainsi à la réduction du gaspillage alimentaire et de l’impact environnemental3,16. Pourtant, malgré leur potentiel de réduction des impacts environnementaux, l’autorisation de nouveaux ingrédients alimentaires constitue un obstacle important, comme l’illustre par exemple l’utilisation des sous-produits du café18, qui pourrait entraver l’innovation et l’adoption rapide de pratiques respectueuses de l’environnement dans l’ensemble du secteur alimentaire.
Le processus européen relatif aux NF peut constituer un obstacle important à l’entrée sur le marché. Il a été démontré que la réglementation sur les NF entrave l’expérimentation entrepreneuriale, la mobilisation des ressources, les investissements et la formation des marchés.
Un frein à l’innovation
Le processus actuel d’autorisation préalable à la mise sur le marché a été reconnu comme un frein à l’innovation et à la compétitivité des exploitants du secteur alimentaire. Le cadre réglementaire de l’UE est largement perçu comme difficile, en particulier en raison de la longueur des délais d’autorisation et de l’absence de dialogue efficace entre les parties prenantes et les autorités réglementaires.
L’article confirme cette perception : la durée importante des procédures d’autorisation des NF est susceptible d’être considérée par les investisseurs et les entreprises innovantes comme un obstacle majeur au développement de nouveaux ingrédients.
Il est important de noter que si le rôle de l’EFSA dans l’évaluation des risques est essentiel pour la protection des consommateurs, sa participation n’est pas obligatoire en vertu de l’article 11 du règlement (UE) 2015/2283. L’EFSA n’est tenue d’évaluer une demande que lorsque la Commission européenne le lui demande. Dans la pratique, cependant, la CE renvoie systématiquement les demandes à l’EFSA, même dans les cas où un avis scientifique n’est pas strictement nécessaire, par exemple lorsque l’ingrédient a déjà été évalué ou ne fait l’objet que de modifications mineures.
Une nécessaire réévaluation
La mise en place d’évaluations des risques en amont plus rigoureuses pourrait rationaliser le processus en réduisant le nombre de dossiers transmis à l’EFSA, ce qui permettrait à l’agence de se concentrer sur des évaluations plus complexes ou novatrices.
Dans l’ensemble, les conclusions de l’article soulignent la nécessité d’une réévaluation critique de la conception des procédures d’évaluation des NF dans l’UE. Il est essentiel de trouver un équilibre entre la rigueur scientifique et l’efficacité réglementaire afin de garantir la sécurité alimentaire sans entraver l’innovation. L’EFSA pourrait maintenir ses normes de sécurité élevées tout en améliorant son efficacité, par exemple en clarifiant ses orientations, en améliorant la qualité des dossiers et en structurant davantage le dialogue préalable à la soumission.
De telles mesures contribueraient à réduire les délais d’autorisation et à faciliter un accès plus large à des produits alimentaires sûrs et innovants sur l’ensemble du marché européen.
* Le Bloch J. et al. The novel food evaluation process delays access to food innovation in the European Union. Science of Food. (2025) 9 :117
https://doi.org/10.1038/s41538-025-00492-x
Novel Food: nearly two and a half years of evaluation and an 85% success rate
An article written by the Food Chain ID teams led by Jérôme Le Bloch analysed the processing times for 292 applications relating to novel foods (NF) submitted to EFSA between 2018 and 2024 under Regulation (EU) 2015/2283.
The average time between submission and publication was 2.56 ± 1.19 years, with significant variability and delays due to compliance checks and requests for additional data. Although this is a long time, the high success rate (more than 85% of NFs authorised) shows that NFs are approved provided that the applicant is well prepared and responsive to the authorities’ requests for information. Improving the guidelines and pre-submission assistance could streamline the process, thereby promoting innovation and rapid market access for NFs.
Initial assessment of NF authorisation application timelines
Despite the importance of the regulatory framework for NFs, there has been no comprehensive assessment of the timelines associated with the NF authorisation application process.
A recent analysis of NF authorisation applications suggested an increase in the length of the procedure in recent years, but no detailed analysis of each step in the process has yet been carried out. The aim of the study was therefore to analyse the EFSA’s NF assessment process and quantify the time required for each step in the process.
This first comprehensive analysis of the processing times for NF applications under Regulation (EU) 2015/2283 highlights procedural inefficiencies and administrative bottlenecks within the EU regulatory framework.
The results show significant variability at each stage of the authorisation process, with an average duration of 2.6 ± 1.2 years between the submission of the application and publication, with extreme cases of up to six years.
The administrative steps, in particular the adequacy check by EFSA and validation by the EC, take almost a year, but show significant variability, probably due to the uneven quality of dossiers and inefficient procedures.
During the scientific assessment phase, EFSA frequently issues additional requests for information (ADRs), which contribute to lengthening the time taken and account for nearly half of the total assessment time.
While these ADRs are often due to missing or incomplete information needed to assess the safety of NFS, they may also reflect EFSA’s cautious approach, in line with its mission to ensure high standards of food safety in the EU.
An effective regulatory system to support the introduction of NFs
Despite these procedural challenges, 86.81% of EFSA’s opinions are ultimately positive, highlighting the regulatory system’s good performance in supporting the safe introduction of novel foods onto the EU market.
The conclusions of the article have important implications for policy makers, industry stakeholders, consumers and society. The analysis does not call into question the need for the authorisation process for novel foods or EFSA’s role in ensuring food safety. Nevertheless, the length of administrative procedures, despite a high rate of positive EFSA opinions, suggests that the current framework may be overly burdensome. These inefficiencies could discourage applicants from engaging in the regulatory process and risk undermining the favourable environment for innovation that the European Union wishes to promote.
Industrial risks
In some cases, lengthy assessments can contribute to the bankruptcy of food businesses, including those receiving public funding, by delaying market access beyond reasonable timeframes. Furthermore, these delays may limit consumers’ access to safe and innovative food products at a time when global challenges, such as sustainability, economic competitiveness and changing food needs, require rapid and effective solutions.
EU policies on sustainable food systems, including the “From Fork to Food” strategy, which is a central element of the Green Pact for Europe, aim to make food systems fairer, healthier and more environmentally friendly. The establishment of sustainable food production requires the development and approval of new food sources, with NFs playing a crucial role in achieving resilient and sustainable food systems.
Recent studies have demonstrated the significant environmental benefits of integrating NF into the global diet. Replacing conventional animal proteins with plant-based alternatives and NF can reduce global warming potential, water consumption weighted by scarcity, and land use by more than 80%. However, while these alternatives, including plant proteins, fungal biomass and cell-based meat, are already approved in other regions, they remain largely inaccessible in the EU due to pending regulatory approvals.
This regulatory delay risks compromising both the competitiveness of the European food industry and its ability to adapt to changing societal demands.
At the same time, the valorisation of agri-food waste represents a promising avenue for creating functional and sustainable NFs, thereby contributing to the reduction of food waste and environmental impact3,16. However, despite their potential to reduce environmental impacts, the authorisation of new food ingredients is a significant barrier, as illustrated, for example, by the use of coffee by-products, which could hinder innovation and the rapid uptake of environmentally friendly practices across the food sector.
The European NF process can be a significant barrier to market entry. Regulation on NPs has been shown to hamper entrepreneurial experimentation, resource mobilisation, investment and market formation.
A barrier to innovation
The current pre-market authorisation process has been recognised as a barrier to innovation and competitiveness for food business operators. The EU regulatory framework is widely perceived as difficult, in particular due to the length of authorisation times and the lack of effective dialogue between stakeholders and regulatory authorities.
The article confirms this perception: the lengthy authorisation procedures for NFs are likely to be seen by investors and innovative companies as a major obstacle to the development of new ingredients.
It is important to note that while EFSA’s role in risk assessment is essential for consumer protection, its involvement is not mandatory under Article 11 of Regulation (EU) 2015/2283. EFSA is only required to assess an application when requested to do so by the European Commission. In practice, however, the EC systematically refers applications to EFSA, even in cases where a scientific opinion is not strictly necessary, for example when the ingredient has already been assessed or only minor changes have been made.
A necessary reassessment
The introduction of more rigorous upstream risk assessments could streamline the process by reducing the number of dossiers submitted to EFSA, allowing the agency to focus on more complex or innovative assessments.
Overall, the article’s conclusions highlight the need for a critical re-evaluation of the design of NF assessment procedures in the EU. It is essential to strike a balance between scientific rigour and regulatory efficiency in order to ensure food safety without hindering innovation. EFSA could maintain its high safety standards while improving its efficiency, for example by clarifying its guidance, improving the quality of dossiers and further structuring the pre-submission dialogue.
Such measures would help reduce authorisation delays and facilitate wider access to safe and innovative food products across the European market.
Le Bloch J. et al. The novel food evaluation process delays access to food innovation in the European Union. Science of Food. (2025) 9:117
https://doi.org/10.1038/s41538-025-00492-x