Règlementation : annulation du règlement HAD et vitamines et minéraux en baisse
Deux informations importantes pour le secteur de la nutraceutique sont à retenir.
- Le 13 novembre d’une part, qui a vu l’annulation par plusieurs décisions des Juges européens du règlement de la Commission européenne n° 2021-468 interdisant et plaçant sous contrôle les dérivés hydroxyanthracéniques (HAD comme l’émodine et l’aloé-émodine).
- Le 18 octobre d’autre part, date à laquelle a été publié l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relatif à la mise à jour de l’arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires.
LES HAD
La portée des décisions de justice du 13 novembre est considérable, dans la mesure où les Juges européens limitent fortement le droit à l’avenir pour la Commission d’interdire et/ou de réglementer l’usage de substances et/ou d’ingrédients soi-disant indésirables sur le fondement de l’article 8 du règlement CE n° 1825-2006.
Pour annuler le règlement, le tribunal retient plusieurs fondements.
- l’article 8, paragraphe 2, sous b), du règlement 1925/2006 ne permet l’inscription à l’annexe III, partie C, dudit règlement que d’une « substance ». La Commission européenne ne pouvait donc y inscrire des préparations de plantes.
- le règlement HAD avait interdit les préparations contenant de l’émodine et l’aloe-émodine, ainsi que les préparations à partir de feuilles des espèces d’aloe contenant des HAD indépendamment de la quantité de HAD présentes dans ces préparations. Or le tribunal a estimé que cette absence de seuil est contraire aux exigences de l’article 8 du règlement 1925/2006. La procédure d’interdiction prévue suppose qu’un effet nocif pour la santé ait été identifié lorsque des substances autres que les vitamines ou les minéraux, ou les ingrédients contenant ces substances, sont ajoutés à des aliments ou utilisés dans leur fabrication, de sorte qu’il en résulte une « ingestion de quantités de cette substance dépassant considérablement celles qui sont raisonnablement susceptibles d’être ingérées dans des conditions normales de consommation liées à un régime alimentaire équilibré et varié. »
Conséquence d’importance : tous les retraits-rappels ordonnés par l’administration (ex : DDPP) du fait de la présence de HAD ne sont plus fondés.
La décision rendue par les Juges est la conclusion d’un recours en annulation contre le règlement (UE) 2021/468 modifiant l’annexe III du règlement (CE) no 1925/2006 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les espèces végétales contenant ces HAD.
Cette décision est l’aboutissement d’un recours en justice intenté par le syndicat français des compléments alimentaires Synadiet et plusieurs opérateurs comme les syndicats belges et italiens be-sup et Afepadi ainsi que le syndicat européen l’EHPM. Cette décision marque une avancée significative pour le secteur de la nutraceutique.
LES VITAMINES ET MINERAUX
Suite à une saisine, le 25 septembre 2023, de la DGAL dans le cadre de la révision de l’arrêté français fixant les doses journalières maximales en vitamines et minéraux, l’Anses a publié le 18 octobre un avis portant sur la mise à jour de l’arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments employés dans la fabrication des compléments alimentaires.
Un peu d’histoire…
L’arrêté du 9 mai 2006 fixe la liste des nutriments dont l’emploi est autorisé, les critères de pureté auxquels ils doivent répondre (teneurs maximales en certains métaux lourds) et, le cas échéant, les doses journalières maximales (DJM) qui ne doivent pas être dépassées.
En 2011, le Conseil d’Etat a invalidé les DJM des vitamines K, B1, B2, B5, B8 et B12, faute de limites supérieures de sécurité (LSS) validées au niveau européen. En dehors de ces modifications imposées par le Conseil d’Etat, l’arrêté n’a jamais été modifié par les pouvoirs publics depuis sa publication bien que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), précédente administration en charge du secteur des compléments alimentaires, ait fait évoluer les teneurs maximales admissibles pour certains nutriments en publiant, sur son site internet, des lignes directrices dont la dernière version date de janvier 2019.
Dans ce contexte d’attente d’une harmonisation au niveau européen, la DGAL, administration nouvellement en charge de l’encadrement réglementaire de la commercialisation des compléments alimentaires, a saisi l’Anses afin qu’elle examine un projet de mise à jour de l’arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires. Cette mise à jour comprend : 1. la révision des DJM ; 2. une analyse de la pertinence d’interdire la consommation des compléments alimentaires par les enfants de moins de 3 ans et le cas échéant, la proposition d’une autre limite d’âge ; 3. l’identification des mesures d’étiquetage adéquates pour avertir le consommateur des risques éventuels liés à la présence de certains micronutriments (vitamines et minéraux).
Concernant l’évaluation des doses maximales journalières (DJM) proposées par la DGAL, et pour chaque couple nutriment/population cible, les experts se sont appuyés sur les limites supérieures de sécurité (LSS) établies par l’EFSA et les plus hautes valeurs d’exposition alimentaire d’après l’étude INCA 3 (Percentile 95). En l’absence de LSS, l’Anses propose de fixer comme DJM le P95 des consommations observées.
Les populations cibles considérées dans l’expertise sont les enfants (3 – 10 ans), les adolescents (11-17 ans) et les adultes.
A retenir notamment, l’interdiction formelle par l’Anses de la consommation de compléments alimentaires pour les moins de 3 ans en dehors d’un cadre médical strict.
Et concrètement ?
L’avis analyse et émet des recommandations sur les doses, les populations cibles, les précautions d’emploi pour les vitamines et minéraux incorporés dans les compléments alimentaires, telles que proposées par la DGAL dans le projet d’arrêté associé à la saisine de l’Anses.
Ce qu’il faut retenir c’est que pour un certain nombre de nutriments, l’Anses recommande des doses inférieures à celles figurant dans les recommandations de la DGCCRF.
Quels nutriments sont impactés ?
- Adultes : vitamine K (225 µg), vitamine C (208 mg), vitamine B1 (2,4mg), vitamine B2 (3,6 mg), vitamine B5 (10.6 mg), vitamine B12 (14 µg), zinc (9.7 mg), manganèse (2.7 mg), sélénium (67 µg).
- Adolescents : vitamine K (285 µg), vitamine C (230 mg), vitamine B1 (2.6 mg), vitamine B2 (3,6 mg), vitamine B5 (12.5 mg), vitamine B12(10 µg), zinc (5.9 mg), sélénium (32 µg), phosphore (pour 15-17 uniquement :355 mg).
- Enfants : vitamine K (145 µg), vitamine C (183 mg), vitamine B1 (1.9mg), vitamine B2 (2,6 mg), vitamine B5 (8.5 mg), vitamine B12 (8 µg), zinc (1.2 mg), sélénium (0 µg), phosphore (0).
L’Anses n’a pas pu définir de DJM pour le chlore et la vitamine B8. Concernant le silicium, le sodium, le fluor et le bore, l’Anses indique que ces nutriments ne devraient pas être incorporés dans des compléments alimentaires.
Sur la base de cet avis, la DGAL finalise actuellement son projet d’arrêté qui modifiera l’arrêté du 6 mai 2006. Le projet d’arrêté, non connu à date, risque de reprendre les doses journalières maximales recommandées par l’Anses et aura donc un impact important sur notre secteur.
Selon Synadiet, la DGAL avait prévu une réunion de présentation de son projet d’arrêté aux représentants du secteur début novembre. L’arrêté serait, par la suite, notifié à la Commission européenne et aux Etats membres sous TRIS.
Sources : Anses, CJE, Synadiet